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05 Mar
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Une réalité préoccupante : l'augmentation de la fuite des talents tunisiens 

La Tunisie est confrontée à une fuite préoccupante de ses talents, notamment dans les secteurs clés comme l’ingénierie, l’informatique et la santé. Selon l'Institut Tunisien des Études Stratégiques (ITES), 39 000 ingénieurs ont quitté le pays entre 2015 et 2020, et cette tendance s’est intensifiée ces dernières années. 

D’après un rapport de l'Ordre des Ingénieurs Tunisiens, environ 6 500 ingénieurs quittent le pays chaque année, ce qui représente près de 80 % des diplômés en ingénierie produits par les universités tunisiennes. Cette fuite massive des talents coûte à la Tunisie près de 650 millions de dinars par an en investissement éducatif perdu. Les secteurs les plus touchés par cette fuite des compétences sont : 

  • Les TIC et l’ingénierie (principalement vers la France et le Canada).
  • Le secteur médical et pharmaceutique (où près de 1 000 médecins et pharmaciens émigrent chaque année).
  • L'enseignement supérieur et la recherche, qui perd en moyenne 2 300 enseignants-chercheurs par an.

Les principales causes du turnover et de la fuite des talents 

Le départ massif des talents tunisiens ne résulte pas d’un facteur unique, mais d’un ensemble de causes interdépendantes. Les défis économiques, les opportunités limitées et l’attractivité des offres internationales sont autant d’éléments qui poussent nos Talents à quitter le pays. Voici les principales raisons expliquant ce phénomène inquiétant :

1. Une insatisfaction salariale persistante 

Les ingénieurs et cadres supérieurs tunisiens perçoivent des salaires bien inférieurs à ceux offerts à l’étranger. Un ingénieur tunisien débutant gagne en moyenne 1 200 à 1 500 TND par mois, contre 3 000 à 4 500 euros en France ou au Canada. 

2. Un manque de perspectives d’évolution 

L’absence de plans de carrière structurés et d’opportunités de progression pousse les talents à chercher ailleurs. Selon l'IACE (Institut Arabe des Chefs d’Entreprise), 71 % des jeunes diplômés tunisiens envisagent de quitter le pays, faute de perspectives. 

3. Des conditions de travail peu attractives 

La pression au travail, le manque de reconnaissance et des environnements de travail rigides contribuent au désengagement des employés. Selon l’ITES, 78 % des ingénieurs déclarent ne pas utiliser pleinement leurs compétences en Tunisie, ce qui renforce leur désir d’expatriation. 

4. Un écosystème entrepreneurial fragile 

Les ingénieurs tunisiens souhaitant entreprendre rencontrent de nombreux obstacles : manque de financement, lourdeur administrative et absence d’un cadre réglementaire attractif. En conséquence, beaucoup choisissent de créer leurs start-ups à l’étranger. 

5. La quête d'une meilleure qualité de vie

Au-delà des condition de travail , L'une des principales raisons de la fuite des talents est la recherche d'une meilleure qualité de vie, particulièrement face à la hausse des prix des produits de première nécessité, à la dégradation des infrastructures, à la diminution de l'accès aux soins de santé et à la qualité du système éducatif. De nombreux Talents, confrontés à des salaires peu compétitifs et à des conditions de vie de plus en plus difficiles, choisissent de quitter la Tunisie pour des opportunités offrant un meilleur pouvoir d'achat, des infrastructures modernes, un accès à des soins de qualité et un système éducatif performant. Cette quête de qualité de vie, qui englobe des aspects économiques, sociaux et personnels, constitue un moteur majeur de la fuite des cerveaux. 

Quelles stratégies pour fidéliser les talents en Tunisie ? 

Pour freiner l’exode des compétences et renforcer l’attractivité du marché de l’emploi tunisien, il est essentiel de mettre en place des solutions concrètes adaptées aux attentes des Talents. Une approche globale, combinant revalorisation salariale, amélioration des conditions de travail et perspectives de développement, peut contribuer à réduire significativement le turnover. Voici les principales stratégies à adopter :

1. Améliorer les conditions salariales et les avantages 

  • Réduire l’écart salarial avec les pays étrangers en revalorisant les grilles salariales.
  • Introduire des incitations fiscales pour encourager les entreprises à mieux rémunérer leurs talents.
  • Mettre en place des avantages non financiers attractifs : télétravail, flexibilité des horaires, assurance santé, etc.

 2. Offrir des perspectives de carrière attractives 

  • Mettre en place des plans de carrière dynamiques avec des évaluations régulières et des opportunités de promotion.
  • Encourager la mobilité interne et internationale au sein des entreprises tunisiennes en établissant des partenariats avec des entreprises étrangères.
  • Lancer des programmes de formation continue et de reconversion pour accompagner l’évolution des compétences et permettre des transitions professionnelles réussies.

 3. Améliorer la qualité de vie au travail (QVT) 

  • Adopter des modèles de travail flexibles, y compris le télétravail et les horaires aménagés, pour mieux répondre aux attentes des employés.
  • Investir dans le bien-être au travail, en mettant en place des espaces collaboratifs modernes et en favorisant une culture de travail positive.
  • Mettre en place un programme de santé et bien-être en entreprise, incluant des séances de coaching, de gestion du stress et du sport en entreprise.

 4. Renforcer l’attractivité du pays pour les talents 

  • Créer des incitations pour les Tunisiens à l'étranger, telles que des réductions fiscales et des facilités de retour à l’emploi.
  • Simplifier les démarches administratives pour les entrepreneurs et les professionnels souhaitant investir ou travailler en Tunisie.
  • Mettre en place des pôles d’innovation et des hubs technologiques pour encourager la recherche et le développement.

5. Améliorer la qualité de vie dans le pays

Il est crucial d'investir dans l'amélioration des infrastructures, en modernisant les transports et en rénovant les établissements publics . Parallèlement, des réformes doivent être entreprises dans le secteur de la santé pour garantir des soins de qualité accessibles à tous, en améliorant les infrastructures hospitalières et en formant davantage de professionnels de santé. L'État devrait également œuvrer à la révision du système éducatif, en renforçant l'enseignement public, en favorisant l'innovation dans les programmes scolaires . D'un point de vue économique, il est nécessaire d'améliorer le pouvoir d'achat des citoyens par une politique de contrôle des prix, de soutien aux revenus des plus vulnérables et d'incitation à la création d'opportunités attractives, notamment dans les secteurs innovants. 

Un enjeu stratégique pour l’avenir de la Tunisie 

La fidélisation des Talents en Tunisie ne peut se limiter à des mesures isolées. Il est urgent d’adopter une stratégie intégrée, combinant amélioration des conditions de travail, revalorisation salariale, perspectives d’évolution et attractivité du pays. Les entreprises tunisiennes qui investiront dans ces leviers auront un avantage compétitif majeur. À défaut, la fuite des cerveaux continuera d’affaiblir la compétitivité du pays. La Tunisie a tous les atouts pour devenir un hub de talents en Afrique du Nord. Il est temps d’agir pour transformer ce défi en opportunité ! 


Sources :

  • Institut Tunisien des Études Stratégiques (ITES), 2024
  • Ordre des Ingénieurs Tunisiens, 2024
  • Webmanagercenter, La Presse, Webdo, Allianz Trade, 2024
  • IACE, Enquête sur l’emploi des diplômés, 2022
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