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07 Mar
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En Tunisie, le management des ressources humaines (RH) est souvent présenté comme un levier stratégique indispensable au développement des entreprises. Les discours institutionnels et académiques mettent en avant des pratiques modernes, alignées sur les standards internationaux : gestion des talents, politique de bien-être au travail, digitalisation des processus RH, etc. Pourtant, la réalité observée sur le terrain contraste fortement avec cette vision idéalisée. Entre ambition affichée et contraintes structurelles, la gestion des ressources humaines en Tunisie oscille entre fiction et réalité.

Une modernité RH de façade

La plupart des entreprises tunisiennes communiquent sur l'importance de la gestion des ressources humaines et se dotent de chartes éthiques, de politiques RH structurées et d'outils modernes. Mais ces initiatives restent souvent superficielles. La digitalisation, par exemple, est perçue comme un gage de modernisation, mais elle se limite à l'utilisation de logiciels de paie ou de gestion du temps sans transformation réelle des processus. En parallèle, de nombreux employeurs prétendent promouvoir le bien-être et la qualité de vie au travail, mais ces engagements restent souvent des slogans marketing sans véritable traduction dans les pratiques quotidiennes. Le télétravail, plébiscité durant la crise sanitaire, reste une exception et non une norme, malgré ses bénéfices avérés sur la productivité et l'équilibre vie professionnelle-vie personnelle.

Une réalité marquée par des pratiques archaïques

Derrière la vitrine moderniste, le management des ressources humaines en Tunisie reste largement influencé par des pratiques traditionnelles et parfois obsolètes. Le recrutement, par exemple, repose encore sur des critères subjectifs, le réseau personnel et le clientélisme l'emportant souvent sur l'évaluation objective des compétences. Par ailleurs, la gestion des carrières et la formation continue sont encore trop souvent perçues comme des dépenses plutôt que comme des investissements stratégiques. Beaucoup d'entreprises ne disposent pas de plans de succession et peinent à préparer la relève managériale, ce qui fragilise leur continuité et leur capacité d'innovation.

Un cadre réglementaire et une culture d'entreprise limitants

La législation du travail en Tunisie, bien que protectrice pour les salariés, est souvent perçue comme un frein par les employeurs, notamment en ce qui concerne la flexibilité de l'emploi. Cette rigidité conduit paradoxalement à un contournement des règles, avec une précarisation accrue des travailleurs sous couvert de contrats d’intérim ou d’externalisation abusive. De plus, la culture managériale en Tunisie reste fortement marquée par un leadership hiérarchique, laissant peu de place à la responsabilisation et à l’engagement des salariés. Le dialogue social, pourtant essentiel pour le développement d'un climat de travail sain, est souvent conflictuel, limité à des négociations salariales tendues plutôt qu'à une réelle concertation sur les enjeux stratégiques des entreprises.

Vers un véritable changement ?

Si le diagnostic est sévère, il ne doit pas pour autant conduire à un pessimisme absolu. Certaines entreprises, notamment dans les secteurs technologiques et exportateurs, adoptent des pratiques RH plus en phase avec les standards internationaux. Elles investissent dans la formation, la mobilité interne et la valorisation des talents. Toutefois, pour que le management des ressources humaines en Tunisie sorte de la fiction et devienne un véritable levier de transformation, un changement profond s’impose. Il passe par une professionnalisation accrue des fonctions RH, une meilleure implication des dirigeants dans la stratégie RH, et une évolution de la culture managériale vers plus d’agilité et d’humain. 

En somme, la modernisation du management des ressources humaines en Tunisie est en marche, mais elle ne pourra se réaliser sans une remise en question sincère des pratiques existantes et un engagement réel des différents acteurs économiques.

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